SÉDENTAIRES, LEVEZ-VOUS !
Un résumé se trouve en fin d’article pour les plus pressés 🙂
Bien que l’espérance de vie augmente, [elle s’associe à] l’augmentation conjointe de la vie en incapacité*.
Notre mode de vie nous tue.
Nous, habitants de pays développés, avons la chance d’avoir accès à la médecine, à l’information, à la nourriture…
Mais il semblerait que la médecine soit devenue, dans les consciences collectives, comme une increvable roue de secours. Se substituant, en tant que moyen de guérison, aux moyens de prévention.
Que le marketing nous fasse, contrairement à l’adage, juger les livres à leur couverture.
Que la facilité d’accès à la nourriture nous éloigne des raisons pour lesquelles elle nous est indispensable.
Et ce sont ces raisons qui engendrent, bien que l’espérance de vie augmente, l’augmentation conjointe de la vie en incapacité*.
Les quatre maladies non transmissibles les plus fréquentes (pathologies cardiovasculaires, cancers, maladies respiratoires chroniques et diabètes) sont responsables de 56 % de la mortalité mondiale.
*Incapacité : Toute réduction, partielle ou totale de la capacité d’accomplir une activité d’une façon normale, ou dans les limites considérées comme normales, pour un être humain (Classification Internationale des Déficiences, Incapacités, Handicaps de l’OMS, 1980).
Quelques définitions
Il convient tout d’abord de définir quelques termes et notamment mettre en lumière le fait que sédentarité et inactivité sont deux concepts distincts :
- MET : Metabolic Equivalent of Task (équivalent métabolique). Il s’agit d’une méthode permettant de mesurer l’intensité d’une activité physique et la dépense énergétique (ex : MET(course à pied, allure modérée) = 12.5, MET (passer l’aspirateur) = 3.5).
- La sédentarité ou « comportement sédentaire » est définie comme une situation d’éveil caractérisée par une dépense énergétique inférieure ou égale à la dépense de repos en position assise ou allongée (1,6 MET). Par exemple, déplacements en véhicule automobile, position assise sans activité autre, ou à regarder la télévision, la lecture ou l’écriture en position assise, le travail de bureau sur ordinateur, toutes les activités réalisées au repos en position allongée (lire, écrire, converser par téléphone, etc.).
- L’inactivité caractérise un niveau insuffisant d’activité physique (tout mouvement corporel produit par la contraction des muscles squelettiques entraînant une augmentation de la dépense énergétique au-dessus de la dépense de repos d’intensité modérée à élevée), ne permettant pas d’atteindre le seuil d’activité physique recommandé. Les recommandations de l’OMS s’élèvent à 150 minutes d’activité physique modérée (MET entre 3 et 6) ou 3 fois 25 minutes d’activité intense (MET > 6) par semaine.
Tu pratiques une activité sportive régulière ou quotidienne, mais es employé(e) de bureau ? Tu es sédentaire !
L’impact d’un mode de vie sédentaire
Maintenant que nous sommes tous à la même page sur les concepts, détaillons, dans un premier temps, l’impact d’un mode de vie sédentaire sur notre santé.
Des données récentes ont démontré que des niveaux élevés de comportement sédentaire continu sont associés à de nombreux dérèglements physiologiques, ainsi qu’une mortalité globale.
Choisir un mode de vie sédentaire, c’est augmenter son risque de (Pang Wen, Lancet 2012) :
- Accident vasculaire cérébral de 33%
- Infarctus du myocarde de 30%
- Diabète de 12 à 35%
- Hypertension artérielle de 12%
- Cancers de 5 à 33%
Les médecins évaluent désormais leurs patients les plus à risque par une analyse de leur mode de vie et de leur niveau d’activité physique !
Une étude, visant à démontrer les forts impacts de ce type de comportements, consistait à forcer des personnes minces et en bonne santé à rester alitées. La conclusion est sans appel : au bout de 3 jours seulement, certains comportements, tels que les taux de lipides dans le sang ou la résistance à l’insuline, se rapprochaient dangereusement de ceux d’un individu diabétique.
Chez des personnes inactives, ou dont le niveau d’activité baisse, un certain nombre de marqueurs inflammatoires sanguins se trouvent également modifiés ; cela entraîne une altération de l’humeur et une augmentation des sensations de fatigue et de douleur…véritables freins au changement.
S’installe alors un cercle vicieux : plus une personne est sédentaire, plus elle perd de ses capacités physiques. Avec le déclin de ses capacités, elle devient de plus en plus sédentaire, et ainsi de suite…
Les aspects mentaux, souvent sous-estimés, ont également fait l’objet d’études et corroborent ces affirmations. L’équipe de Schiano-Lomoriello en a réalisé une sur des élèves d’Éducation Physique et Sportive (EPS) : le niveau de conduites sédentaires est lié à une conception moins valorisante de soi. L’article rapporte de nombreuses autres études établissant le lien entre une conception dévalorisée de soi et l’investissement d’activités sédentaires, comme la télévision, les jeux vidéo, …
De la même sorte, l’évolution de l’activité physique quotidienne des Français est sans équivoque (voir ci-contre).
Nous avons pourtant plus de savoir, plus d’infrastructures, plus de technologies, …
Il est indispensable de modifier nos comportements qui sur-développent notre incapacité et qui ont des conséquences non seulement physiques, mais également mentales, sociales et financières.
Des moyens palliatifs
Bien évidemment, un certain nombre de tâches nous sont imposées, notamment sur le plan professionnel. Dans bien d’autres sphères cependant, nous avons un pouvoir de décision…et nos habitudes ne sont pas exemplaires ! Un exemple pour le concevoir : en France, 40% des trajets en voiture font moins de 2 km*.
*calcul basé sur le regroupement des données recueillies en face-à-face lors des enquêtes ménages déplacements de de 2009 à 2014.
Comme le montrent les schémas, si ma marge de manœuvre sur mon mode de vie sédentaire est plus que limitée (autrement dit, je ne peux pas changer de couleur), le meilleur moyen de réduire les effets de ce dernier…
…est de pratiquer une activité physique plus intense ou plus souvent (autrement dit, augmenter le nombre de MET hebdomadaires) !
Patel et al. Am J Epidemiol 172 (4), 2010
Il est d’autant plus intéressant d’inclure l’activité physique dans ses mœurs quand on constate que ces chiffres ne rendent compte que du taux de mortalité, et non des capacités à se mouvoir, à déplacer des charges (porter ses courses par exemple), …et même à soigner des maladies !
Il a en effet été démontré que l’activité physique et la lutte contre la sédentarité étaient non seulement des moyens de prévention primaires (avant que la maladie ou ses symptômes n’apparaissent) mais aussi des moyens de prévention secondaires et tertiaires (réduction des effets lors de l’évolution de la maladie) !
Les gains sont considérables : chaque MET gagné est associé à une baisse de 12% du risque de mortalité globale. (Sandvik et al. NEJM 1993, Myers J. N. Engl. J. Med. 2002, Mark D.B.et al.Circulation 2003).
Une étude a même démontré la prévalence d’un changement de mode de vie sur la médicamentation !
Diabetes Prevention Program Research Group. Reduction in the incidence of type 2 diabetes with lifestyle intervention or metformin. New Engl J Med 2002
Une autre a prouvé une corrélation entre activité physique et santé mentale, situant la quantité d’activité physique hebdomadaire optimale à la fourchette 2,5h-7,5h.
Alors concrètement, comment agir ?
Il faut bien comprendre que, pour lutter contre la sédentarité dans son ensemble, une certaine autonomie et un certain investissement sont nécessaires : moins se faire livrer, faire des trajets en vélo lorsqu’ils sont réalisables, prendre les escaliers et non l’escalator ou l’ascenseur, … Ce sont des gains qui peuvent également se traduire en temps : en ville, 4 km c’est en moyenne 27 minutes en voiture, 18 minutes en bus et 12 minutes à vélo. (source ADEME).
Même dans le monde professionnel, qui nous semble le plus immuable, il est possible de réduire les impacts de la sédentarité !
Une chercheuse (Audrey Bergouignan, physiologiste à l’institut pluridisciplinaire Hubert Curien) a demandé à des personnes sédentaires en surpoids de faire 45 minutes de marche rapide par jour durant un mois, « soit en une seule fois, soit en fragmentant ce temps tout au long de la journée – c’est-à-dire en se levant de leur bureau toutes les heures pour faire 5 minutes de marche rapide ».
Premier enseignement, et non des moindres : dans les deux expériences, les sujets disent se sentir de meilleure humeur, moins fatigués, et constatent avoir moins faim durant la journée. Leurs constantes métaboliques suivent le mouvement et montrent de nettes améliorations dans les deux groupes…avec un avantage à celui où l’activité physique a été pratiquée de manière fractionnée !
Si l’on veut aller plus loin et optimiser les résultats, pratiquer une activité physique semble nécessaire. Il convient de sélectionner quelqu’un permettant de t’encadrer, une personne pour laquelle tes objectifs, tes particularités et tes contraintes sont au centre de ses préoccupations…au même titre que la sécurité des mouvements : toute blessure (ou mauvaise réhabilitation d’ailleurs) remettrait en cause la nouvelle excellente résolution que tu aurais prise, avec les conséquences, notamment au niveau de la volonté de reprise post-blessure, que cela engendre, comme décrit plus haut.
En résumé
- Évite les périodes de plus de 1h30 sans te lever/marcher (sauf sommeil bien sûr).
- L’activité physique est un moyen de prévention, mais aussi de réduction des symptômes de TOUTES les maladies : quelles que soient tes particularités, PRATIQUE !
- Si tu es blessé(e), fais-toi accompagner au plus vite pour reprendre une activité.
- Contrebalance la sédentarité par de l’activité physique…
- … mais uniquement bien encadrée et personnalisée !
- Partage ces informations autour de toi ! Il n’y a qu’à la faveur d’un consensus que ces affirmations feront foi, et que des actions en émergeront. Il faut comprendre pour agir !